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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome III, 1782.djvu/51

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ainsi manœuvrer leurs fonds, & qu’ils exercent cette usure énorme sans remords ; quelle idée ne se formera-t-on pas de la dureté de certaines ames, & de leur soif cruelle pour les richesses ?

Mais lequel doit surprendre le plus, de la détresse extrême de ces petits détailleurs qui ne savent pas avoir six livres devant eux, ou du succès constant d’une aussi terrible usure ? Mais qui, ayant tout soldé & payé, reste avec un louis d’or en propriété absolue ? J’oserois dire que le tiers de Paris n’en est pas encore venu là : aussi les avanceurs savent combien l’espece monnoyée devient rare de jour en jour, parce que les emprunts publics, ces funestes absorbans des fonds du commerce, en ont tari le cours.

Ils vendent donc l’argent tout ce qu’ils peuvent le vendre ; or plus on est pauvre, moins on peut agir autrement que la piece de monnoie à la main. Point de crédit pour l’indigent ; & par la même raison qu’il paie le vin & la viande bien plus cher que le