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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome III, 1782.djvu/53

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vieille perruque, de vieux souliers, des bas rappetassés, laisse croître sa barbe, se peint les cheveux & se blanchit les sourcils : il se rend alors dans une maison écartée, dans une salle où il n’y a qu’une mauvaise tapisserie, un grabat, trois chaises & un crucifix ; là il donne audience à soixante poissardes, revendeuses & pauvres fruitieres ; puis il leur dit d’une voix composée : « mes amies, vous voyez que je ne suis pas plus riche que vous, voilà mes meubles, voilà le lit où je couche quand je viens à Paris ; je vous donne mon argent sur votre conscience & religion ; car je n’ai de vous aucune signature, vous le savez, je ne puis rien réclamer en justice. Je suis utile à votre commerce ; & quand je vous prodigue ma confiance, je dois avoir ma sûreté. Soyez donc toutes ici solidaires l’une pour l’autre, & jurez devant ce crucifix, l’image de notre divin Sauveur, que vous ne me ferez aucun tort, & que vous me rendrez fidèlement ce que je vais vous confier. »

Toutes les poissardes & fruitieres levent la