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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome III, 1782.djvu/60

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hémistiches de Racine, Boileau, Rousseau, Voltaire, Gresset, Colardeau ? Ce n’est pas trop la peine de nous donner laborieusement la même empreinte ; n’est-il pas ridicule de voir feu M. Dorat avoir déjà des copistes & des imitateurs ? Quand on lit l’Almanach des Muses, ne diroit-on pas que toutes les pieces de vers sont du même auteur ? tant les idées, le style & le ton ont une couleur uniforme.

Quand on rencontre un versificateur, il faut lui dire, pour éviter toute dispute, je ne me connois pas en vers. Alors il vous prend au mot, & vous dit modestement, qu’il n’y a que trois ou quatre personnes en état d’apprécier son rare talent, que le goût par excellence s’est refugié dans sa tête & dans celle de trois ou quatre personnes qui l’admirent. On sourit tout bas, & on le laisse dire, car cela le rend bien heureux.

Si l’on disoit à un versificateur qui court un rebelle hémistiche pendant un mois entier, que tel écrivain en prose (qu’il n’a pas lu, parce qu’il ne lit que Racine) est un