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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome III, 1782.djvu/61

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grand poëte, que tel écrivain Anglois qu’il appelle barbare, outre son originalité & son génie, a souvent plus de goût que son Boileau, il ne vous comprendroit certainement pas : aussi contentez-vous de lui dire, je ne me connois pas en vers. Par ce moyen vous ménagerez vos poumons, & vous aurez le plaisir de voir jusqu’à quel point un versificateur déraisonne & rétrécit ses idées.

Mais c’est encore plus la faute de la langue que la sienne propre. Ce versficateur sue, travaille, & il ne manque au fond que de discernement.

Qu’est-ce qu’une langue où le génie à chaque pas rencontre l’obstacle invincible de quelques difficultés grammaticales, où la chicane à chaque vers trouve à reprendre, où les souligneurs[1] gagnent tout le terrein

  1. Race de petits journalistes qui, sans motif ni raison, en rendant compte d’un ouvrage, souslignent tout ce qui leur deplait. Observez qu’en général ils proscrivent les expressions créées & de génie. Ainsi ils ôtent à la langue tout son essor.