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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome V, 1783.djvu/170

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qu’il passe ! Et qui osera ensuite être ingrat envers des hommes qui, pour apprendre l’art de guérir, ont vaincu tant d’obstacles, quand on aura réfléchi sur tout ce qu’il leur en a coûté pour y parvenir ?

Dompter l’horreur secrete & la contagion qu’exhalent ces objets putrides, dérobés aux tombeaux ; avoir la bouche & les yeux incessamment fixés sur les débris de l’homme ; les interroger avec une patience courageuse ; maîtriser l’aversion des sens, tous révoltés à la fois & placer dans sa mémoire une langue presqu’infinie, qui n’offre d’abord que des principes arides & ne réveille que des idées tristes ; passer de là dans ces réceptacles des miseres humaines, où les vivans sont plus hideux que les morts, où le germe du trépas infecte l’air, où le moindre contact devient dangereux ; braver l’exhalaison de ces corps languissans, & avoir à combattre l’abattement du moribond & sa propre défaillance ; porter la main, & sans frémir, dans des plaies effroyables ; suivre attenti-