Page:Mercure de France, t. 147, n° 548, 10 avril 1921.djvu/100

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core la poussée des choses à l’entour ? Je ne me sens pas vivre dans ce lieu devenu négatif, ce lieu d’absence, ce moment qui n’est pas. Me voilà pris de vertige comme si la pesanteur devenait indifférente, comme si le temple tournait de haut en bas ; et mon regard titube sur les caissons verts du plafond ; et tout me devient égal, informe, vide enfin ! — Je me sauve…

Non sans m’être heurté sous la porte au troupeau d’étrangers nasillards. Ceux-là ne remarquent pas le cataclysme étrange. Ils vont et ils viennent avec la grâce même de la vermine sur la plaie. Ils comptent les colonnes ; ils essaient — à deux, à trois, — d’en embrasser le tour, et les voici en route pour le tumulus qu’ils vont piétiner d’importance en regardant le « panorama ».

Ils sont partis sans avoir rien soupçonné ; sans même un coup d’œil pour… Tant mieux ! Ils l’auraient traité d’« étiquette ».

On accorde trop d’importance aux déprédations des touristes. Généralement, leurs ébats, en Chine, se bornent à casser le nez d’une statue ou, plus commodément, un doigt, — à déposer leurs noms au pied du manteau rouge-impérial d’un mur d’enceinte, et puis à disparaître, souillant à peine le souffle du palais au toit cornu qui derrière eux s’ébroue et reprend sa respiration ample. Ceux-ci étaient moins offensifs encore. Un mari à lunettes paisibles ; une « jeune dame » déformée bien avant ses couches ; deux filles plus âgées, suant la virginité morose ; un vieillard peu noble, à la traîne. Tous échappés de l’Allemagne du Nord, pays moins avide que l’Angleterre de tessons et débris-souvenirs. — Vraiment, ils existaient peu.

Moi, retiré sous les thuyas enchevêtrés de la seconde cour, je songeais de toute ma ferveur. Voici les termes : le Siège de l’Âme. — L’absence de l’Âme. Antinomie ! Sorte d’équilibre plus vertigineux que la chute ! — Hors de sa demeure