Page:Mercure de France, t. 147, n° 548, 10 avril 1921.djvu/102

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teurs ont traversé la cour intérieure sans m’apercevoir, et jettent leurs petits coups d’œil sur la bouche noire de la rampe qui perce le fort crénelé et monte au tumulus. Je ne puis regarder sans trouble : l’œil est happé par la profondeur oblique. Eux se récusent, tournent le dos et songent au départ. Les voici de nouveau dans la grande salle. Ils marchent vite. (J’entends ridiculement tous leurs pas.) Ils s’arrêtent. Tiens ! un silence. Un petit rire… Et puis, les voix reprennent, et les pas, et tout cela s’éloigne vers les alignements des statues qu’ils vont numéroter à rebours, inconscients de leurs méprises, en emportant leurs énormités sottes…

… Et soudain, un tournoiement fou, dans la salle ; il y a eu une grande chute ; comme un orage crevant, comme la grêle ; comme toute l’eau déversée… Ce qui se passe là est terrible. Les ânons détalent, le vieux cheval jaune agite tous ses os. Un grand souffle encore ; un répit.

C’est Lui, c’est l’absent qui s’abat et reprend son trône… Et il est tombé là, en tonnerre, à dix pas de moi ; je suis attiré par la même précipitation, par une furie de plénitude… J’accours, et je vois…

— La salle est plus vide que jamais. Il y fait noir, il y fait froid, il y fait peur. Les trois grandes portes ne donnent qu’une lumière trouble et basse. Mais le tournoiement continue. Il y a là quelqu’un d’immense, qui halète. Il y a une présence plus redoutable que le vide qu’elle ne comble pas. Oh ! je la vois enfin, cette large chauve-souris indécise, frangée de violet qui vibre, avec des lueurs, des pâleurs, des opacités. Cela voltige à mi-hauteur des colonnes, se heurte au plafond, le traverse, et va errer dans la chambre haute, la caverne triangulaire sous les toits. Cette âme est en peine. Elle cherche… elle cherche quoi ? La voici derrière l’écran, dans le couloir étroit où elle se froisse. Elle débouche à l’autre bout ; elle reprend son tournoiement dont le centre est ce lieu même qu’elle a coutume d’occu-