Page:Mercure de France, t. 147, n° 548, 10 avril 1921.djvu/103

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per, le socle sous le dais ; et là, c’est une furie, des chocs invisibles, des débats sans bruits connus.

J’approche. J’ose compatir. Est-ce donc si douloureux de retomber à terre ? J’approche encore… et voici : la Tablette a disparu : Le Siège de l’Âme !

Ayant constaté le désastre, l’âme parut se contenir un peu, Aussi bien se faisait-elle plus concrète, plus humaine. Elle flottait sur un nuage courbe, traîne majestueuse ou ondoiement du génie marin. Elle oscillait, de plus en plus lente, parmi les odeurs anciennes, réveillées. Ses battements avaient brassé des siècles d’air calme, et toutes les colonnes de cèdre rouge réexhalaient ces parfums du sud, ces senteurs mates mûries autrefois par les soleils.

Je n’apercevais point encore son visage, mais ne pouvais douter de sa personne. J’approchai. J’allais parler… dénoncer les voleurs du Nom… — Folie à vouloir se faire entendre d’un autre que soi-même ! J’aurais pu… Mais je m’inclinai devant la très impériale ignorance, et reculant comme un bon sujet devant le Prince en marche, je suivis.

L’âme coulait dans un plan horizontal. Elle avait ces gestes doux et câlins de la foudre en globe qui caresse avant de broyer. Autour d’elle, le monument respirait avec ampleur. Le même vent passait, d’autrefois, du Midi vers le Nord. Il y avait un appel d’air en Mongolie : toute la terre jaune soufflait sur le Plateau-des-Herbes son haleine par-dessus les monts.

Je ne m’étonnai point que l’âme, entraînée dans ce souffle, contournât l’écran, suivît le couloir, sortît par la porte postérieure, et ne s’arrêtât point à l’autel de pierre qui barre la route avec son brûle-parfum sans fumée, ses chandeliers sans flammes, ses vases sans bouquets ; ni qu’elle bondît légèrement par-dessus, ni qu’elle montât le long du mur tout droit vers la crête du fort crénelé. Il y a là, très haut sous un kiosque à l’arche quadruple, la grande stèle qui