Page:Mercure de France, t. 76, n° 274, 16 novembre 1908.djvu/83

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UN AMI DE J. BARBEY D’AUREVILLY 269 lesPbilosophies, parce qu’elle a surnaturellement sa source en Dieu. Barbey d’Aurevilly revint tous les ans voir son abbé. Les journées de l’écrivain normand étaient employées invariable­ ment comme il suit : Le matin il travaillait, déjeunait seul dans la petite cham­ bre dont j ’ai parlé plus haut, puis, assis derrière les rideaux des fenêtres,, il regardait avec entêtement et pendant de lon­ gues heures une grande maison située de l’ autre côté de la rue, juste en face de celle où ;il était. Cette demeure, qu’il fixait ainsi, comme si ses regards n’ a­ vaient p u s ’en détacher, il l’avait habitée(1), elle lui rappelait son adolescence, les derniers efforts de la chouanerie et le sacrifice que son père avait fait de toute sa fortune à la cause des Bourbons. Pendant que Barbey d’Aurevilly rêvait et méditait, une nüée de vieilles mendiantes, sachant que M T Jeule était là, propa­ geaient la nouvelle de son arrivée et venaient chercher l ’au­ mône que son inépuisable charité leur réservait toujours. Vers quatre -heures de l ’ après-midi, il traversait la « bour­ gade écossaise » et les deux kilomètres qui la séparent de R au­ ville ; puis avec l’abbé Anger c’ étaient de longues promena­ des autour de la Délivrande, dans la lande bleue. Les deux hommes causaient surtout du passé. A un certain moment de la promenade, l ’auteur de VEnsorcelée s’ arrêtait et disait : « Regardez, mon cher abbé, le plateau du village d’Aurevillé, c’ est par de-là qu’ est la terre des premiers parents et des sou­ venirs originels... » Il ne manquait jamais d’évoquer ces souvenirs et à chaque fois une émotion violente le secouait. Son influence sur l’abbé Anger, influence littéraire au- tànt que spirituelle, fut considérable et visible dans quelques pages inédites de l’abbé. Elles m’ont été communiquées par son fidèle serviteur, M. Louis Y ve r, auquel j ’adresse ici tous mes remerciements. Voici d’abord un extrait d’une lettre à Mgr X ... Les esprits supérieurs ont qualifié cet homme (Barbey d’Aurevil­ ly) avec des termes que son génie leur faisait inventer. Mgr Bertheaud l’ûppelaitle théologien naturel", Lamartine l ’appelait leducde Guise (1) Cette maison est considérée aujourd’hui comme le lieu de naissance de Barbey d’Aurevilly,