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Page:Mercure de France - 1891 - Tome 2.djvu/25

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MERCVRE DE FRANCE

Lisez Psaume ÆAmoui lisez Hymne Antique et vous constaterez qu’il y brûle là même ardeur sensuelle, et que c’est le même cœur qui s’applique à des soins différents. Partout d’ailleurs le coloriste triomphe, et vous trouverez dans ses poèmes (ai-je dit que M. Tailhade était d’origine basque ?) toute la radieuse mollesse, tout le lumineux, velours des toiles de Murillo.


III

La partie la plus savoureuse de son Oeuvre en est la moins austère. Il a cultivé un genre spécial de ballades et de quatorzains d’une bouffonnerie quelque peu acerbe, dont il reste en dépit de toutes revendications possibles Coppéennes et Banvillesques l’initiateur. Son esprit caustique et mordant s’y exaspère, et c’est d’un tour de bras preste non moins que vigoureux qu’on l’y voit fustiger tout ce ramassis de filles du monde, de bas bleus avariés, de rastaqouères de lettres et de pleutres circoncis qui encombrent notre littérature et nos boulervards. C’est un carnaval réjouissant où peu d’épaules esquivent les étrivières. A côté de cela, des strophes d’art pour l’art, d’un délié qui va jusqu’à l’évanouissement, d’un délire abondant qu’Aristophane lui-même n’a pas connu, et qu’il lui a plu de sigiller de ce pseudonyme cocassement épique : Mitrophane Crapoussin. Toutes ces pièces éparses en mille revues vont incessamment paraître en librairie » Les quatorzains et les ballades s’étiqueteront « Au Pays du Mufle et les autres poèmes, tout de mysticisme et d’orfèvrerie, formeront le recueil pancarte « Sur champ d'or. Ce sera pour l’un de mes amis du Mercure de France Foccasion de vous en reparler, avec plus d’autorité et tous les développements désirables.

En attendant, je ne puis résister, au désir de vous citer un sonnet du poète. C’est un peu du Tailhade à l’eau de rose, mais beaucoup d’esprits délicats préfèrent ce Tailhade-là, et d’ailleurs le sonnet n’a pas encore été publié, que je sache.

HÉLÈNE


(Le laboratoire de Faust dans Wittemberg)

Des âges écoulés j’ai remonté le fleuve, Et, le cœur enivré de sublimés desseins. J’ai quitté le Hadès et les ombrages saints Où l'âme d’une paix immuable s’abreuve.