Page:Mercure de France - 1896 - Tome 17.djvu/213

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re.}} — Il était autrefois si riche de courage ; il résistait au monde pour une femme aimée ; il était l’agitateur contre les observances, son amour s’épandait en joyeuses harmonies – ! Regardez-le maintenant ! Dans sa longue redingote, – quelle chute profonde ! Et sa femme avec sa robe fanée, ses bottines éculées qui claquent sous les talons, voilà la vierge ailée qui devait le conduire à l’union des âmes de beauté. Que reste-t-il de cette flamme ? Pas même de la fumée ! Sic transit gloria amoris, Mademoiselle !

Svanhild

. — Oui, cela est misérable, bien misérable,

tout cela : je ne connais personne dont je voudrais partager le sort.

Falk, résolu

— Eh bien, soulevons-nous contre une

règle, qui n’est pas de la nature, mais toute factice !

Svanhild, secoue la tête

— Alors, croyez-moi, la cause

de notre union serait perdue, aussi sûrement que nous marchons sur la terre.

Falk

. — Non, c’est la victoire quand on avance à

deux, bien unis. Nous ne suivrons plus les services de la paroisse banale, gâtée par la communauté du lieu commun ! Voyez, le but, pour l’action de l’individu, est bien d’être indépendant, sincère et libre. Cela ne nous fait défaut ni à moi ni à vous. Une vie d’âme gonfle vos veines. Vous avez la chaude expression pour de fortes pensées. Vous ne supporterez pas que le corset de la forme comprime votre cœur, il faut qu’il batte librement ; votre voix n’est pas faite pour chanter dans un chœur sur un rythme imposé —

Svanhild

. — Et ne croyez-vous pas que la douleur

bien souvent a assombri ma vue et serre ma poitrine ? Je voulais marcher mon propre chemin.

Falk

. — Dans la pensée tranquille !

Svanhild

. — Non, en action. Mais alors sont venues

les tantes avec de bons conseils, — on pourrait examiner la chose, chercher, peser — — (plus près) la pensée tranquille, dites-vous ; non, hardiment j’osai un essai — comme peintre.

Falk

. — Eh bien ?

Svanhild

. — Cela échoua, je n’avais pas de talent ;

mais le besoin de liberté ne se rebuta pas ; après l’atelier, je voulus essayer le théâtre.

Falk

. — Le projet fut aussi aisément détourné ?

Svanhild

. — Oui, sur la proposition de la plus vieille

tante ; elle aimait mieux une place de gouvernante.

Falk

. — Mais personne ne m’avait jamais dit cela !

Svanhild

. —