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la guerre des mondes

taches grises flottantes, se répandirent dans la limpidité de l’atmosphère de la planète et en obscurcirent les traits les plus familiers.

Enfin, les journaux quotidiens s’éveillèrent à ces perturbations et des chroniques de vulgarisation parurent ici, là et partout, concernant les volcans de la planète Mars. Le périodique sério-comique Punch fit, je me rappelle, un heureux usage de la chose dans une caricature politique. Entièrement insoupçonnés, ces projectiles que les Marsiens nous envoyaient arrivaient vers la Terre à une vitesse de nombreux kilomètres à la seconde, à travers le gouffre vide de l’espace, heure par heure et jour par jour, de plus en plus proches. Il me semble maintenant presque incroyablement surprenant qu’avec ce prompt destin suspendu sur eux, les hommes aient pu s’absorber dans leurs mesquins intérêts comme ils le firent. Je me souviens avec quelle ardeur le triomphant Markham s’occupa d’obtenir une nouvelle photographie de la planète pour le journal illustré qu’il dirigeait à cette époque. La plupart des gens, en ces derniers temps, s’imaginent difficilement l’abondance et l’esprit entreprenant de nos journaux du dix-neuvième siècle. Pour ma part, j’étais fort préoccupé d’apprendre à monter à bicyclette, et absorbé aussi par une série d’articles discutant les probables développements des idées morales à mesure que la civilisation progressera.

Un soir (le premier projectile se trouvait alors à peine à quinze millions de kilomètres de nous), je sortis faire un tour avec ma femme. La nuit était claire ; j’expliquais à ma compagne les signes du Zodiaque et lui indiquai Mars, point brillant montant vers le zénith et vers lequel tant de télescopes étaient