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la guerre des mondes

— Quoi ? dit un des hommes en se retournant.

— Quelles nouvelles de la lande ? répétai-je.

— Est-ce que vous n’en revenez pas ? demandèrent les hommes.

— On dirait que tous ceux qui y vont en reviennent fous, dit la femme en se penchant par-dessus la barrière. Qu’est-ce qu’il peut bien y avoir ?

— Vous ne savez donc rien des hommes de Mars ? demandai-je ; des créatures tombées de la planète Mars ?

— Oh ! si, bien assez ! Merci ! dit la femme, et ils éclatèrent de rire tous les trois.

J’étais ridicule et vexé. Sans y réussir, j’essayai de leur raconter ce que j’avais vu. Ils rirent de plus belle à mes phrases sans suite.

— Vous en saurez bientôt davantage ! leur dis-je en me remettant en route.

J’avais l’air si hagard qu’en m’apercevant du seuil ma femme tressaillit. J’entrai dans la salle à manger ; je m’assis, bus un verre de vin, et aussitôt que je pus rassembler mes esprits suffisamment, je lui racontai les événements dont j’avais été témoin. Le déjeuner, un déjeuner froid, était déjà servi et resta sur la table sans que nous y touchions pendant que je narrai mon histoire.

— Il y a une chose rassurante, dis-je pour pallier les craintes que j’avais fait naître, ce sont les créatures les plus maladroites que j’aie jamais vues grouiller. Elles peuvent s’agiter dans le trou et tuer les gens qui s’approcheront, pourtant elles ne pourront jamais sortir de là… Mais quelles horribles choses !

— Calme-toi, mon ami, dit ma femme en fronçant les sourcils et en posant sa main sur la mienne.