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mercvre de france—xii-1899

— Ce pauvre Ogilvy ! dis-je. Penser qu’il est resté mort, là-bas !

Ma femme, du moins, ne trouva pas mon récit incroyable. Quand je vis combien mortellement pâle sa figure était, je cessai brusquement.

— Ils peuvent venir ici, répétait-elle sans cesse.

J’insistai pour qu’elle bût un peu de vin et j’essayai de la rassurer.

— Mais ils peuvent à peine remuer, dis-je.

Je lui redonnai, ainsi qu’à moi-même, un peu de courage en lui répétant tout ce qu’Ogilvy m’avait dit de l’impossibilité pour les Marsiens de s’établir sur la terre. En particulier, j’insistai sur la difficulté gravitationnelle. À la surface de la terre, la pesanteur est trois fois ce qu’elle est à la surface de Mars. Donc, un Marsien, quand même sa force musculaire resterait la même, pèserait ici trois fois plus que sur Mars, et par conséquent son corps lui serait comme une enveloppe de plomb. Ce fut là réellement l’opinion générale. Le Times et le Daily Telegraph, entre autres, le lendemain matin, attachèrent une grande importance à ce point, sans plus que moi prendre garde à deux influences modificatrices pourtant évidentes.

L’atmosphère de la terre, nous le savons maintenant, contient beaucoup plus d’oxygène ou beaucoup moins d’argon — peu importe la façon dont on l’explique — que celle de Mars. L’influence fortifiante de l’oxygène sur les Marsiens fit indiscutablement beaucoup pour contrebalancer l’accroissement du poids de leur corps. En second lieu, nous négligeâmes tous ce fait que la puissance mécanique que les Marsiens possédaient était parfaitement capable, au besoin, de compenser la diminution d’activité musculaire.