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mercvre de france—xii-1899

ner contre l’écran du ciel, et ils en concluaient que rien de plus sérieux n’arrivait que quelque incendie dans des bruyères. Ce n’était réellement que sur les confins de la lande que quelque désordre était visible. Là, sur la lisière du côté de Woking, une douzaine de villas étaient en flammes. Il y eut des lumières allumées dans toutes les maisons des trois villages qui étaient proches de la lande et les gens y demeurèrent éveillés jusqu’à l’aurore.

Une foule curieuse s’attardait, incessamment renouvelée, à la fois sur le pont de Chobham et sur celui de Horsell. Une ou deux âmes aventureuses – ainsi qu’on s’en aperçut après – s’avancèrent à la faveur des ténèbres et se faufilèrent jusqu’auprès des Marsiens. Mais elles ne revinrent pas, car de temps en temps un rayon de lumière, semblable aux feux électriques d’un vaisseau de guerre, balayait la lande et le Rayon Ardent le suivait immédiatement. À part cela, l’immense espace de la lande demeura silencieux et désolé, et les corps carbonisés y restèrent dispersés toute la nuit sous les étoiles et tout le jour suivant. Un bruit de métal qu’on martèle venait du cylindre et fut entendu par beaucoup de gens.

Tel était l’état des choses ce vendredi soir. Au centre, enfoncé dans la peau de notre vieille planète comme une écharde empoisonnée, était ce cylindre. Mais le poison avait à peine commencé son œuvre. Autour de lui s’étendait la lande silencieuse, mal éteinte par places, et avec quelques objets sombres, à peine visibles, gisant en attitudes contorsionnées ici et là. De distance en distance un arbre ou un buisson brûlait encore. Plus loin, c’était comme une frontière d’activité au-delà de laquelle les flammes n’étaient pas encore parvenues. Dans