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la guerre des mondes

débarrassé du chemin comme un obstacle gênant.

Je saisis ma femme par le bras et, sans cérémonie, l’entraînai jusque sur la route. Puis j’allai chercher la servante, en lui disant que j’irais prendre moi-même la malle qu’elle réclamait avec insistance.

— Nous ne pouvons pas rester ici, dis-je.

Au moment même, la canonnade reprit un instant sur la lande.

— Mais où allons-nous aller ? demanda ma femme terrifiée.

Je réfléchissais, perplexe. Puis je me souvins de ses cousins à Leatherhead.

— À Leatherhead, criai-je, dans le fracas qui recommençait.

Elle regarda vers le bas de la colline. Les gens surpris sortaient de leurs maisons.

— Mais comment irons-nous jusque-là ? s’enquit-elle.

Au bas de la route, j’aperçus un peloton de hussards galoper sous le pont du chemin de fer ; quelques-uns entrèrent dans la cour du Collège Oriental, les autres mirent pied à terre et commencèrent à courir de maison en maison. Le soleil, brillant à travers la fumée qui montait des cimes des arbres, semblait rouge-sang et jetait sur les choses une clarté lugubre et sinistre.

— Reste ici, tu es en sûreté, dis-je à ma femme, et je me mis à courir vers l’hôtel du Chien Tigré, car je savais que l’hôtelier avait un cheval et un dogcart. Je courais de toutes mes forces, car je me rendais compte que, dans un moment, tout le monde, sur ce penchant de la colline, serait en mouvement. Je trouvai l’hôtelier derrière son comptoir, absolument ignorant de ce qui se passait der-