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mercvre de france—xii-1899

tanément, semblait-il, avec l’éclair suivant, cent mètres plus près. Figurez vous un tabouret à trois pieds tournant sur lui-même et d’un pied sur l’autre pour avancer par bonds violents ! Ce fut l’impression que j’en eus à la lueur des éclairs incessants. Mais au lieu d’un simple tabouret, imaginez un grand corps mécanique supporté par trois pieds.

Soudain, les sapins du petit bois qui se trouvait juste devant moi s’écartèrent, comme de fragiles roseaux sont séparés par un homme se frayant un chemin. Ils furent arrachés net et jetés à terre et un deuxième immense tripode apparut, se précipitant, semblait-il, à toute vitesse vers moi, et le cheval galopait droit à sa rencontre. À la vue de ce second monstre, je perdis complètement la tête. Sans prendre le temps de mieux regarder, je tirai violemment sur la bouche du cheval pour le faire tourner à droite, et au même instant le dogcart versa par-dessus la bête, les brancards se brisèrent avec bruit ; je fus lancé de côté et tombai lourdement dans un large fossé plein d’eau.

Je m’en tirai bien vite, et me blottis, les pieds trempant encore dans l’eau, sous un bouquet d’ajoncs. Le cheval était immobile — le cou rompu, la pauvre bête — et à chaque nouvel éclair je voyais la masse noire du dogcart renversé et la silhouette des roues tournant encore lentement. Presque aussitôt, le colossal mécanisme passa à grandes enjambées près de moi, montant la colline vers Pyrford.

Vue de près, la chose était incomparablement étrange, car ce n’était pas simplement une machine insensée passant droit son chemin. C’était une machine cependant, avec une allure mécanique et un fracas métallique ; avec de longs tentacules flexibles