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Page:Mercure de France - 1899 - Tome 32.djvu/654

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la guerre des mondes

bras humains et, à part l’impuissante inutilité de ces mouvements, on eût dit quelque énorme bête blessée, se débattant au milieu des vagues. D’énormes quantités de fluide brun roussâtre s’élançaient de la machine en jets bruyants.

Mon attention fut détournée de cette vue par un hurlement furieux, ressemblant au bruit de ce qu’on appelle une sirène dans les villes manufacturières. Un homme, à genoux dans l’eau près du chemin de halage, m’appela à voix basse et m’indiqua quelque chose du doigt. Me retournant, je vis les autres Marsiens s’avancer avec de gigantesques enjambées au long de la rive, venant de Chertsey. Cette fois, les canons parlèrent sans résultat.

À cette vue, je m’enfonçai immédiatement sous l’eau, et, retenant mon souffle jusqu’à ce que le moindre mouvement me fût devenu une agonie, je tâchai de fuir entre deux eaux, aussi loin que je le pus. Autour de moi la rivière était un véritable tumulte et devenait rapidement plus chaude.

Quand, pendant un moment, je soulevai ma tête hors de l’eau pour respirer et écarter les cheveux qui me tombaient sur les yeux, la vapeur s’élevait en un tourbillonnant brouillard blanchâtre qui cacha d’abord entièrement les Marsiens. Le vacarme était assourdissant. Enfin, je distinguai faiblement de colossales figures grises, amplifiées par la brume vaporeuse. Ils avaient passé tout près de moi et deux d’entre eux étaient penchés sur les ruines écumeuses et tumultueuses de leur camarade.

Les deux autres étaient debout dans l’eau auprès de lui, l’un à deux cents mètres de moi, l’autre vers Laleham. Ils agitaient violemment les générateurs du Rayon Ardent et le jet sifflant frappait en tous sens de toutes parts.