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mercvre de france—xii-1899

L’air n’était que vacarme : un conflit confus et assourdissant de bruits ; le fracas cliquetant des Marsiens, les craquements des maisons qui s’écroulaient, le crépitement des arbres, des haies, des hangars qui s’enflammaient, le pétillement et le grondement du feu. Une fumée dense et noire montait se mêler à la vapeur de la rivière, et tandis que le Rayon Ardent allait et venait sur Weybridge, ses traces étaient marquées par de soudaines lueurs d’un blanc incandescent qui faisaient aussitôt place à une danse fumeuse de flammes livides. Les maisons les plus proches étaient encore intactes, attendant leur sort, ténébreuses, indistinctes et blafardes à travers la vapeur, avec les flammes allant et venant derrière elles.

Pendant un certain temps, je demeurai ainsi enfoncé jusqu’au cou dans l’eau presque bouillante, ébahi de ma position et désespérant de m’échapper. À travers la vapeur et la fumée, j’apercevais les gens qui s’étaient jetés avec moi dans la rivière, jouant des pieds et des mains pour s’enfuir à travers les roseaux et les herbes, comme de petites grenouilles dans le gazon, fuyant en toute hâte le passage de quelque faucheur, ou remplis d’épouvante, courant en tous sens sur le chemin de halage.

Tout à coup, le jet blême du Rayon Ardent arriva en bondissant vers moi. Les maisons semblaient s’enfoncer dans le sol, s’écroulant à son contact et lançant de hautes flammes. Les arbres prenaient feu avec un soudain craquement. Il tremblota de ci de là sur le chemin de halage, caressant au passage les gens affolés ; il descendit sur la rive à moins de cinquante mètres de l’endroit où j’étais, traversa la rivière, pour attaquer Shepperton, et l’eau sous sa trace se souleva en un épais bouillon-