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Page:Meredith - Les Comédiens tragiques, 1926.djvu/156

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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

ou malveillante ne pût, à tort, ou avec une ombre de soupçon, être lancée contre elle. Je crois que cela vaut mieux pour nous deux ! Elle ne se contente pas de décider ; elle réfléchit pour moi. Elle agit ; moi, je n’ai plus qu’à me soumettre. Elle n’a jamais manqué d’une certaine présomption. Eh bien, écoutez : sa lettre me blesse mais ne me leurre pas. Étrangers ! Pauvre sotte ! Comment ne pas voir qu’on l’a clouée à sa table, pour lui faire écrire cela ? Cette lettre est un mensonge flagrant : Elle sait mentir ; elle est née pour le mensonge ; elle ment comme une sainte qui triche Satan ! Elle dit qu’elle a quitté la ville. Allons donc la chercher !

Il arpentait la pièce à grands pas.

— Je fouillerai tout le continent ; je ne laisserai pas de répit à ses geôliers ; je les traînerai devant les tribunaux ; j’userai de ruse et de violence, si l’adresse et la légalité me trahissent. Je l’ai juré. J’ai fait tout ce que l’honneur exige ; j’ai fait plus qu’aucun autre homme n’eût fait, à ma connaissance. Et maintenant, c’est la guerre, la guerre déclarée. Ils la veulent, ils l’auront. De gré ou de force, je leur reprendrai cette femme. Elle m’appartient, et s’il y a des lois pour m’empêcher de reprendre mon bien, au diable la loi ! Me croyez-vous homme à me laisser battre ? Alors Cicéron ne serait qu’un fantôme ? Et César un héros de conte de bonne femme. Non, pas de défaite, s’ils appartiennent à l’histoire, si l’éloquence et la domination ont quelque pouvoir sur le cœur et l’esprit des hommes ! Pour commencer je lui écris.

Son ami objecta en vain leur ignorance de l’adresse de Clotilde : la plume courait déjà ; le cerveau déversait un flot de pensées.