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Page:Meredith - Les Comédiens tragiques, 1926.djvu/168

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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

Quelques minutes plus tard, son Bacchus Indien était dans la chambre, à ses pieds. L’espoir que le général venait de lui laisser entrevoir se reflétait dans ses yeux. Il baisait les mains, les cheveux, les genoux de Clotilde, sans s’apercevoir qu’elle restait de glace.

Elle ne pouvait imaginer en quoi il pourrait lui être utile.

Dans la maussade monotonie, il ne faisait qu’un nuage de poussière de plus. C’est une femme qu’elle attendait, un choral tempétueux, où les voix des montagnes, des vallées et du ciel préluderaient à l’arrivée d’Alvan.

Cependant, Marko finit par l’arracher à sa torpeur. Avec lui, elle n’avait jamais eu conscience de sa lâcheté, et la supplication tremblante, passionnée du jeune homme : « Voulez-vous de moi ? » éveilla le tigre dans son cœur. Malgré la pitié que lui inspirait cette voix angoissée, elle répondit à ses parents plutôt qu’à lui :

— Si je veux de vous, moi ? Vous me demandez ce que je veux ? Question étrange dans votre bouche, quand je vous ai écrit à Lucerne, pour vous faire part de mon désir, et que rien n’a changé en moi depuis lors, rien. Mes sentiments pour lui restent identiques, et tout ce que l’on vous a dit sur mon compte m’a été arraché par contrainte. Pour moi, le monde est mort avec tout ce qui n’est pas Sigismond Alvan. À vous, à qui j’ai coutume d’avouer la dernière pensée de mon cœur, je répète que le monde et tout ce qu’il comporte est mort pour moi, — tout, même mes parents que je déteste !

Marko lui serra les mains. S’il l’aimait en esclave, son amour, du moins, était généreux : La folle pro-