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Page:Meredith - Les Comédiens tragiques, 1926.djvu/185

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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

XIII

Son amour était, cependant, pour Alvan la mission unique et l’unique obsession. Il ne se faisait pas scrupule d’en parler ou de plaider sa cause et son plaidoyer n’avait rien du chant du troubadour, quêtant la sympathie, avec accompagnement soupirant de flûte, pour soulager d’harmonieuses émotions. Il ressemblait plutôt à quelque mendiant effronté exigeant, pour soutenir sa vie, du pain de ceux qui veulent bien se laisser convaincre des droits de l’homme, — et il s’appuyait sur la loi pour lancer, en faveur de la plus naturelle des faims, une volée d’arguments. Orages et aurores radieuses éclataient tour à tour ou s’épanouissaient dans son âme, selon que poste ou télégraphe lui transmettaient de mauvaises nouvelles de Clotilde ou que le succès de ses efforts la rapprochait de lui. Plusieurs fois par jour il était près de l’atteindre et la reperdait ; il la serrait dans ses bras, et ses bras, serrés sur le vide, se desséchaient. Le terrain qu’il gagnait manquait sous ses pieds. Tout lui faisait obstacle, mais il était lancé et sa raison lui disait qu’il tenait bien Clotilde. Il avait senti le pouvoir qu’il exerçait sur elle : du passé, il pouvait juste-