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Page:Meredith - Les Comédiens tragiques, 1926.djvu/44

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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

veux d’or était venue dans l’île sept jours auparavant. Mais, voyons : la musique italienne, qu’en dites-vous ?

— Musique amoureuse et martiale, stupide et monotone.

— Parfait ! les yeux d’Alvan lancèrent une flamme de joie. Oh ! camarade des camarades ! Cette année perdue va me paraître plus lourde à mesure que j’apprendrai à mieux apprécier les suivantes. Stupide, oui ! nous battons les Italiens, sur le terrain musical, comme les Français nous battent en politique. Pas de vie sans intelligence ! En art, comme en politique, les imbéciles sont un obstacle plus gênant que les morts : on a plus de peine à se frayer un chemin à travers leurs rangs. Il le faut pourtant, si l’on ne veut pas que les Philistins, comme les jeunes sauterelles, dévorent toute l’herbe verte de la terre. On vous a sans doute appris à frémir à la seule pensée d’un démagogue ?

— Je ne frémis jamais, affirma Clotilde.

— Oh ! diamant frais issu des mains du lapidaire ! Vos mots sont à facettes. Eh bien, c’est avec un démagogue, un démagogue déclaré, un démagogue et un Juif que vous causez en ce moment. Vous semblez tenir la chose pour naturelle, au lieu de faire montre de bruyante incrédulité. Le chrétien, comme le politicien, croit à la perpétuité de types éternels, modelés sur le monstre qu’on lui a appris à haïr. Pourtant le Juif s’est quelque peu christianisé et nous avons judaïsé le chrétien. De même, devant les conservateurs croulants, le démagogue s’est légèrement teinté de conservatisme. Considérer sous un angle particulier chacune des choses que l’on vous a fait apprendre en bloc, telle