Page:Meredith - Les Comédiens tragiques, 1926.djvu/46

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
42
LES COMÉDIENS TRAGIQUES

L’amie charmante qui nous a mis en présence est venue me prévenir avec enthousiasme :  ; « J’ai trouvé la femme qu’il vous faut, Alvan ! » C’était celle dont un autre m’avait conté l’excursion à Capri. « Mais, attention, disait Kollin, attention au serpent à crête d’or ; il glisse dans la main. » Est-ce vrai ? C’est un avertissement pour moi de mieux assurer ma prise. Je vois l’avenir, maintenant, l’avenir qui m’était apparu, jusqu’ici, comme une terre sans soleil. Avez-vous remarqué combien est reposante la vue du soleil sur la campagne ? C’est, pour l’œil, une impression de calme, de possession, de fin gagnée, — non pas la fin des labeurs, juste ciel ! — mais cette paix de l’âme qui est un renouvellement des forces, un plongeon dans les eaux fraîches de la vie. Évoquez vos visions d’Italie : rappelez-vous la lumière et les couleurs italiennes, la clarté, la plénitude lumineuse, les ombres pensives. Montagnes et contreforts boisés y sont massifs, profonds et parlent à l’esprit. On les voit palpiter, on taille des images de dieux dans cette mer, dans ce ciel, dans ces pics qui vivent avec vous, qui rassasient les cœurs affamés et arrachent l’âme inquiète à sa couche d’épines. Eh bien, vous êtes ma campagne ensoleillée. Il faudra lutter pour vous conquérir, et cette perspective ne m’est pas moins une promesse de quiétude. Il y a peut-être en vous du sable mouvant : les sables ont des reflets dorés, comme les vôtres. Soit ! on les fixera, ces sables. J’ai foi en vous autant qu’en ma victoire finale. Certes, il faudra combattre, et la lutte promet d’être rude. Mais je vois plus loin que la bataille, car je ne doute ni de vous, ni de moi. Nous usons des mêmes phrases et des mêmes aphorismes,