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Page:Meredith - Les Comédiens tragiques, 1926.djvu/79

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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

tempérant l’ardeur de ses sentiments pour le sexe, ne leur a pas donné ce caractère que, faute de mot sonore, on peut qualifier de fraternel.

Clotilde ne connut jamais, et Alvan eût été incapable de situer l’origine de cette noire accusation qu’il devait un jour lancer contre elle ; ce fut en une heure de délire, il est vrai, mais la chose était en lui et représentait plus que l’écume de sa frénésie.

Après la soirée du bal, ils se revirent sous le toit tutélaire de l’aimable professeur, et au cours d’une de ces visites, leur hôte, un peu inquiet peut-être, procéda, après présentation de Clotilde à la sœur d’Alvan, à une demi-cérémonie de fiançailles. Clotilde, ainsi confrontée avec la réalité, modifia son attitude à l’égard des siens. Mais une mercuriale essuyée à la suite du rapprochement de son nom et de celui d’Alvan, lui fit à nouveau perdre pied. Elle attendit de lui chaque jour la démarche qu’elle l’avait, une fois de plus, supplié de n’entreprendre point, et qu’elle redoutait autant qu’elle s’étonnait de ne pas lui voir accomplir. Puis la roue des choses tourna, comme elle tourne devant ceux qui attendent des circonstances les décisions qu’ils ne savent pas prendre eux-mêmes, et les deux amoureux se trouvèrent encore une fois séparés. Clotilde pensa un moment au cloître. Mais sa vénérable parente mourut en mettant sa main dans celle du prince Marko ; il fallut envisager l’idée de ce mariage. Une maladie la tint prostrée ; elle contempla en pensée la paix du tombeau.

Un peu avant cette maladie, le prince, devenu l’hôte du général, avait, par son exquise grâce, gagné tous les cœurs de la maison. Charme, fraîcheur, et maintes des perfections que l’on ima-