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Page:Merimee - Chronique du regne de Charles IX, La Double meprise, La Guzla, Charpentier 1873.djvu/149

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vous verrez bien que je ne suis pas celle que vous croyez.

— De quel côté est la porte ? Je vais appeler.

— Non, laissez-moi descendre, Bernardo ; je connais cette chambre, je sais où je trouverai un briquet.

— Prenez bien garde de marcher sur des morceaux de verre ; vous en avez cassé plusieurs hier.

— Laissez-moi faire.

— Trouvez-vous ?

— Ah ! oui, c’est mon corset. Sainte Vierge ! comment ferai-je ? J’ai coupé tous les lacets avec votre poignard.

— Il faut en demander à la vieille.

— Ne bougez pas, laissez-moi faire. Adios, querido Bernardo !

La porte s’ouvrit et se referma aussitôt. Un long éclat de rire se fit entendre au dehors. Mergy comprit que sa conquête venait de lui échapper. Il essaya de la poursuivre ; mais, dans l’obscurité, il se heurtait contre les meubles, il s’embarrassait dans des robes et des rideaux, sans pouvoir trouver la porte. Tout d’un coup la porte s’ouvrit, et quelqu’un entra, tenant une lanterne sourde. Mergy saisit aussitôt dans ses bras la personne qui la portait.

— Ah ! je vous tiens, vous ne m’échapperez plus ! s’écria-t-il en l’embrassant tendrement.

— Laissez-moi donc, monsieur de Mergy, dit une grosse voix. Est-ce que l’on serre les gens de la sorte ?

Il reconnut la vieille.

— Que le diable vous emporte ! s’écria-t-il.

Il s’habilla en silence, prit ses armes et son manteau, et sortit de cette maison dans l’état d’un homme qui, après avoir bu d’excellent vin de Malaga, avale, par la distraction du domestique qui le sert, un verre d’une bouteille de sirop antiscorbutique, oubliée depuis longues années dans la cave.

Mergy fut assez discret avec son frère ; il parla d’une