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Page:Merrill - Les Quatre saisons, 1900.djvu/177

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S’agenouillant pour que Dieu soit propice au sortilège,
Le vieillard écarte d’un geste tremblant la neige
Devant lui, comme pour échauffer de ses pauvres mains
La glèbe dure où dort l’espoir des lendemains.

Et la barbe tremblante, il prie pour le moulin
Qui moudra pour la faim de tous la bonne farine
Et pour le four plein de grillons dont le boulanger
Tirera les pains d’or pour ceux qui n’ont pas mangé.

Mais, soudain, il se dresse, terrible comme une ruine,
Car il évoque en rêve la ville de la famine
Dont les pâles habitants, esclaves de leur enceinte,
Ne connaissent même pas la face de la terre sainte.
Il voit les hommes, sombres au coin des rues, tuer
Pour ravir de quoi vivre l’espace d’un soleil ;
Il voit les femmes aux douces lèvres se prostituer
Parce que le fruit d’amour ne leur fut pas vermeil ;
Il voit les enfants aux fronts têtus de vieillards
Crisper leur doigts en rage contre les mauvaises étoiles.
Et têtes sur têtes, la multitude aux yeux hagards