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Page:Merrill - Une voix dans la foule, 1909.djvu/181

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Ô toi qui d’un pas dur foulas toutes les routes,
Reste en ces lieux et, las, laisse dormir tes doutes
En écoutant gémir sur les toits à tourelles,
Dans le hameau voisin, les rauques tourterelles.
Les flots suivant sans fin les flots sur le rivage
Berceront de leurs pleurs ton âme trop sauvage.
Croyant que tu t’endors sur le sein de ta mère,
Ne crains pas sur ta bouche une saveur amère.
La brise souffle ici du pays de la fable.
Regarde l’invisible, écoute l’ineffable.
L’âme des dieux anciens habite dans ces îles
Qui vibrèrent jadis du pipeau des idylles.
N’as-tu pas entendu le cri de la sirène
Dont la croupe a heurté quelque rude carène
Dans cette ombre, et qui saigne en pleurant sur la plage ?
Ce que tu sens frémir tout bas dans le feuillage,
C’est peut-être la joie obscure des dryades
Qui vont boire à la main de leurs sœurs les naïades,
Pan siffle au fond des bois, et la danse des faunes
Va bientôt se nouer en ronde autour des aunes.
Tout vit, et chaque fleur est l’image du monde.
Crains, en parlant trop haut, que Dieu ne te réponde,
Et va vers le bonheur comme vers le silence.