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Page:Merrill - Une voix dans la foule, 1909.djvu/33

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Le pays alentour semblait vu dans un rêve.
Au bord de bassins bleus dormaient des palais blancs.
On entendait au loin déferler sur la grève
La mer, avec un bruit de soupirs somnolents.

Des paons, rouant sur des balustrades de marbre,
Ouvraient leurs éventails d’émeraude au soleil.
Midi brûlait. L’ombre était ronde sous chaque arbre.
On se sentait les mains lourdes, comme en sommeil.

C’étaient sept princesses autour d’une fontaine.
J’ai depuis bien longtemps oublié leurs doux noms.
Ce pouvaient être Alix, Rosemonde, Maleine,
Gertrude, Mélusine et Laure aux cheveux blonds.

Je me souviens que la septième, la plus belle,
N’avait pas de nom. Claire comme le matin,
Elle ouvrait de grands yeux couleur de mirabelle.
C’est elle que j’aimai dans ce temps si lointain.

L’ombre des lauriers noirs passait sur son visage.
Elle devait suivre en elle un rêve affligeant,
Car on voyait ses petits seins de vierge sage
Soulever de sanglots son gorgerin d’argent.