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Page:Merrill - Une voix dans la foule, 1909.djvu/39

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Ayant donc endossé la cuirasse où l’or luit
Et coiffé le lourd casque où se déploie un aigle,
J’ai, pour imposer l’ordre et rétablir la règle,
Combattu tous les jours et saigné chaque nuit.

En vain ! Je n’étais plus le roi de ce royaume.
Dieu s’était détourné du soin de nos destins.
Les signes de ma chance au ciel s’étaient éteints.
Ma vieille épée enfin avait usé ma paume.

Je connus la défaite et la fuite au hasard,
Les carrefours de l’ombre où la peur tremble et tâte,
Les foyers refroidis qu’on abandonne en hâte
Et les chemins étroits qui ne vont nulle part.

Parfois il m’arrivait, hagard, de reconnaître
Un village où j’avais passé parmi les fleurs,
Et je m’agenouillais pour baiser, tout en pleurs,
Ce sol où j’avais vu tant de beaux enfants naître.

Puis la fuite, toujours l’âpre fuite, parmi
Les étendards baissés et les échines lasses !
Et comme on m’imputait, à moi, roi, ces disgrâces,
La révolte a souvent sous mes talons frémi.