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Page:Merrill - Une voix dans la foule, 1909.djvu/40

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Nous allions, souffletés par les vents et les branches.
Derrière moi mouraient mes derniers partisans
Dont je ne savais plus ni le nom, ni les ans.
La poussière et le sang souillaient ces barbes blanches !

À la fin je fus seul et je n’entendis plus
Au loin, pendant les nuits, l’éclat fou des fanfares
Ni le dur tremblement des tambours des Barbares.
Je pus dormir sans crainte au rebord des talus.

Je pus dormir. Mais quand, dévoilant mon visage,
J’ouvrais un lent regard aux rayons du soleil,
Je voyais, inclinés sur mon triste réveil,
Des inconnus parlant un inouï langage.

Je souhaitais alors d’être auprès de mes morts
Dont les pas n’ont pas fui sur la route étrangère.
La terre des aïeux doit leur être légère.
Ils n’auront pas subi cette honte où je dors.

Mais je dus me dresser sans pleurs devant l’aurore,
Sachant que, seul, le roi n’a pas droit au repos
Et qu’il lui faut, par monts glacés et sombres vaux,
Marcher aveuglement vers un but qu’il ignore.