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Page:Merrill - Une voix dans la foule, 1909.djvu/41

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J’allai donc en haillons vers le divin soleil,
Le suivant par-delà les bois, les champs, les villes,
Bafoué comme un gueux par les foules serviles
Qui voulaient que, vaincu, je leur fusse pareil.

Aux passants je criais, magnifique et sordide :
« Hommes, connaissez-vous la terre où je fus roi
Et dont ma volonté fut naguère la loi ? »
Ils hochaient, en riant, une tête stupide.

Et, depuis, je m’en vais par les chemins sans fin,
N’osant pas sangloter de peur qu’on ne me voie,
Et las de présenter le masque de la joie
À ceux qui railleraient ma fatigue et ma faim.

J’implore en vain l’amour charitable des femmes ;
Je n’aurai plus de mains dans les miennes, la nuit !
Le malheur me poursuit et le bonheur me fuit.
Je fais horreur, comme un lépreux, aux plus infâmes.

Et même toi, mon frère, ô vagabond qui tends
À ma pauvre pitié tes paumes décharnées,
Tu ne reconnais pas l’or vrai de mes monnaies,
Y voyant une image inconnue à ce temps.