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Page:Merrill - Une voix dans la foule, 1909.djvu/42

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J’ai moi-même oublié le nom de mon royaume.
Parfois je le demande à quelque enfant très pur
Dont le regard reflète encore un peu d’azur.
Mais il fuit en criant, car j’ai l’air d’un fantôme.

Le soleil peut pâlir et la lune mourir,
Chaque mois se parer de roses ou de neiges,
Je ne reverrai plus la pompe des cortèges
Dans le pays heureux que j’aimais parcourir,

Précédé de l’éclat empourpré des bannières
Et des trompettes d’or pareilles à des lys.
Tout cela se passait, hélas ! au temps jadis,
Et je ne suis qu’une ombre au mur blanc des chaumières

Ô Dieu, quand atteindrai-je au bout de mon destin
Et quand donc, à ce corps de vieillard qui succombe
S’ouvrira-t-il, le doux abîme de la tombe ?
Ô Mort, ne veux-tu pas d’un si pauvre butin ?

Pourtant, malgré mes vœux, je ne crains pas de vivre !
Je vous aime, ô soleils sur la terre assoupis !
J’ai faim quand sur les chars s’entassent les épis,
Et quand les vendangeurs dansent, je me sens ivre.