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LA PHILOSOPHIE DE LA MATIÈRE

cristalloclaste parce qu’il veut rendre compte de la structure des cristaux en déduisant de leurs clivages la figure des molécules intégrantes qui les constituent, Hauy a bien soin de déclarer que le mécanisme de la structure que sa théorie a mis à nu, n’a aucun rapport et n’explique pas le mécanisme de la formation. Les phénomènes furent simplement laissés de côté par la science classificatrice qui n’en constata que les résultats ou les empreintes.

Ainsi que les savants de cette école que nous pourrions appeler « statique » dont la conception de la science ressemble étrangement à celle sur laquelle s’appuie l’argumentation Bergsonienne, Lavoisier se désintéresse de la réaction chimique en tant que phénomène, du mécanisme de la réaction, de l’explication des tendances ou affinités qui provoquent la réaction. Sans doute se garde-t-il de toute condamnation a priori, ou de toute limitation dogmatique du savoir scientifique ; plus prudent que Romé de l’Isle ou Hauy, il déclara humblement que les problèmes laissés de côté sont trop difficiles à résoudre, et à l’abri de cette apparente modestie, il les élimine soigneusement de ses travaux, de ses méditations, et enfin du traité élémentaire de chimie.

Nous comprenons maintenant pourquoi la nouvelle chimie, — qui comme la botanique ou la zoologie d’alors aspirait à fournir un tableau de faits, sans interprétation de ces faits — fut vivement attaquée par les savants attribuant à la description du dynamisme des faits ou des progrès de la vie une importance prépondérante. Si Lamétherie — directeur du Journal de Physique injustement oublié aujourd’hui —, si Lamarck — illustre pionnier de l’évolutionnisme injustement méconnu de son temps —, s’opposèrent avec une violence inouïe à la révolution chimique dont ils ne comprirent pas l’importance, ce ne fut point comme on l’a dit l’effet d’un hasard regrettable et malencontreux. Nous assistons là au contraire, à une des phases du duel éternel que se livrent des formes d’esprit opposées qui assignent à la science des buts différents et incompatibles ; mais malgré leurs combats sans répits et sans fin, malgré les apparences journalières, les chercheurs collaborent effectivement à la construcction toujours en chantier et jamais achevée de la science humaine.


Si la classification des êtres vivants avec les emboîtements des variétés dans les espèces, des espèces dans les genres, des genres dans les embranchements, des embranchements dans les règnes ani-