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LA PHILOSOPHIE DE LA MATIÈRE

L’analyse logique de Boerhaave aurait parfaitement rendu compte de l’existence des divers métaux, si les métaux ne s’étaient obstinément refusés à se laisser scinder par l’analyse chimique ; je sais bien que cette analyse logique qui voulait à toute force découvrir un principe métallisant a été reprise plus tard par certains expérimentateurs qui attribuèrent au phlogistique la capacité de transformer en métaux les chaux métalliques ; mais d’abord, le phlogistique auquel on s’était laissé entraîner à donner un rôle immense et indéterminé n’existe pas que dans les métaux ; il n’est pas seulement principe métallisant ; il doit aussi expliquer la combustion en qualité d’ingrédient combustible par excellence ; puis on remarque que la calcination est une opération complexe ; enfin Lavoisier le reconnaîtra franchement : chaque métal est un corps simple ; la cause du genre métallique ne réside pas dans la composition des métaux ; elle échappe à la perspicacité du chimiste.

Est-ce à dire que l’analyse logique de Boerhaave et de certains phlogisticiens n’a laissé aucune trace dans la science, qu’elle fut inutile au progrès de la chimie ? La réponse à cette question nous est fournie par la manière dont Lavoisier a su faire la théorie d’autres classes naturelles de corps ; prenons celle des acides dont le xviie siècle mécaniste avait rendu compte en les déclarant composés de pointes qui piquaient la langue, lacéraient les substances organiques et se précipitaient dans les gaines des alcalis lors de la formation de sels neutres ; une telle manière de voir qui avait enchanté Lemery et bien d’autres savants parut vite puérile, simpliste et ridicule ; les Newtoniens et les Stahliens la raillaient avec une sorte de joie ; l’affinité suivant eux ne pouvait s’expliquer par ce mécanisme ou plutôt ce machinisme de charpentier ou de menuisier ; si les corps agissent l’un sur l’autre, cela résulte de ce que leurs molécules s’attirent, de ce qu’ils ont quelque chose de commun dans leur composition, et d’une manière plus générale de ce que les semblables recherchent volontiers les semblables.

Lavoisier s’est désintéressé (nous verrons plus tard qu’il s’en est inspiré cependant) de cette doctrine récente et déjà périmée concernant les réactions matérielles ; du moins, il fait des analyses excellentes et explique judicieusement l’existence du groupe des acides ; remarquons seulement qu’il parle des acides qu’il a expérimentalement décomposés comme Boerhaave parlait a priori des métaux. « Les acides, dit-il sont composés de deux substances de