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LA PHILOSOPHIE DE LA MATIÈRE

Sans insister sur ce grave problème que nous livrons aux philosophes, nous constatons que sur certains points au moins, Lavoisier n’était pas aussi éloigné de l’ancienne chimie qu’on le dit généralement.




LE CONCEPT DE GAZ


Remarquons maintenant que le principe oxygène — qui provoque les phénomènes de combustion, est la seule cause des propriétés des acides et des oxydes comme de leurs réactions réciproques, joue comme nous l’avons vu un rôle de premier plan dans l’économie de la nature —, est cependant inconnu à l’état élémentaire ; ses affinités sont si puissantes qu’il ne quitte un composé que pour entrer dans un autre et que le chimiste désespère de le capter ou de l’isoler ; toutes les réactions matérielles où l’oxygène est impliqué se réduisent comme pour les éléments de la science Stahlienne à des déplacements ou à des doubles décompositions.

Sans doute, allez-vous penser que le gaz oxygène est cependant un corps simple puisqu’il ne peut se scinder en ingrédients constituants et que Lavoisier a définitivement établi que le poids d’un oxyde métallique (l’oxyde rouge de mercure par exemple) est égal au poids du métal obtenu lors de sa décomposition (dans ce cas le mercure) augmenté du poids de gaz oxygène qui se dégage au même moment.

Pour Lavoisier il n’en est rien ; le gaz, fluide par excellence est dû à la combinaison d’un corps simple (ou d’un radical complexe) avec la matière de la chaleur ou calorique dissolvant universel qui impose aux substances qu’il sature un état aériforme : « Je désignerai dorénavant, dit-il, les fluides aériformes sous le nom générique de gaz ; et je dirai en conséquence que dans toute espèce de gaz, on doit distinguer le calorique qui fait en quelque façon office de dissolvant et la substance combinée avec lui qui forme sa base[1] ».

Ainsi par suite d’une doctrine à la fois substantialiste et grammaticale de la formation des divers composés, le calorique impose l’état gazeux aux corps qui en sont saturés, de même que l’oxygène

  1. Vol. I, p. 17.