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CHEZ LAVOISIER

corps doué d’affinité, et que Macquer identifiait au phlogistique.

Vu l’importance de la lumière, Lavoisier ne peut la négliger entièrement, il est disposé à admettre que, elle pourrait être « une modification du calorique » ; il suppose ailleurs avec Berthollet « qu’elle pourrait contribuer avec le calorique à constituer l’oxygène dans l’état de gaz » ; enfin son rôle dans la formation des plantes et des animaux est indéniable ; mais quand le lecteur veut des précisions sur ce rôle primordial, il lui est répondu par une émotion poétique et sincère qui dévoile l’embarras de l’auteur se trouvant entraîné sur un terrain inexploré où l’analyse chimique est impuissante et sans forces.

« L’organisation, le sentiment, le mouvement spontané, la vie n’existent qu’à la surface de la terre dans les lieux exposés à la lumière. On dirait que la fable du flambeau de Prométhée était l’expression d’une vérité philosophique qui n’avait pas échappé aux anciens. Sans la lumière la nature était sans vie, elle était morte et inanimée : Un Dieu bienfaisant en apportant la lumière a répandu sur la surface de la terre, l’organisation, le sentiment et la pensée »[1].

Si Lavoisier n’a pas voulu rejeter catégoriquement la lumière hors de la chimie, s’il lui laisse un rôle aussi immense qu’indéterminé dans le système du monde, il ne s’en occupe pratiquement pas… Notons simplement que les chimistes Newtoniens qui étaient les plus fermes soutiens de la théorie de l’émission et attribuaient à la lumière, non seulement la corporéité mais aussi l’attraction universelle et des affinités spécifiques, devinrent après Lavoisier indifférents a ces hypothèses qu’ils avaient autrefois soutenues ; et ainsi, ils acceptèrent sans résistance ni répugnance qu’avec Young et Fresnel les ondulations lumineuses se réduisent à des faits physiques, la lumière n’intéressant plus la chimie[2].


Nous ne pouvons insister davantage sur le calorique, dans ses ressemblances et différences avec toutes les autres matières ; nous avons vu que par rapport à la construction logique de la doctrine, le calorique joue le même rôle qu’un corps simple important quelconque : il est « gazéifiant » comme l’oxygène est « acidifiant » ; nous

  1. Vol. I, p. 202.
  2. Voir Newton, Stahl, Boerhaave, chap. I.