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LES CONCEPTS SCIENTIFIQUES

n’avons jamais analysées dans nos croyances habituelles les plus assurées.

Pour comprendre qu’il s’agit là d’une démarche fondamentale de notre esprit, d’une « réaction intellectuelle élémentaire[1] », il conviendra, semble-t-il, de choisir les exemples dans les idées d’autrefois qui nous semblent étranges aujourd’hui ; nous en signalerons ensuite quelques-unes à qui la science a par la suite accordé droit de cité. « Lucrèce, a fait remarquer M. Cresson, affirme que les vers de terre naissent spontanément de la terre mouillée ; n’est-ce pas parce qu’il constate une ressemblance entre la façon dont beaucoup de jeunes sortent de leurs mères tout vivants, et celle dont les vers apparaissent après la pluie[2] ? »

De même encore, au milieu du xviie siècle, la similitude entre l’être organisé, le corps de l’homme par exemple, et l’ensemble du monde extérieur, était admise comme allant de soi, et les médecins tiraient hardiment une conclusion physiologique d’expériences qui nous semblent absolument étrangères à leur science. « De ce que les acides rongeaient les métaux, dit Boerhaave, c’en fut assez pour imaginer dans l’estomac un acide propre à dissoudre les aliments. Comme les acides versés sur des alcalis entrent sur-le-champ en effervescence, on imagina que le chyle en faisait autant en se mêlant avec le sang des ventricules[3]. »

Bien mieux, lors de la fameuse querelle de l’antimoine, qui aux environs de 1660 agita si vivement les docteurs les uns contre les autres, les ennemis de

  1. Voir le livre de M. Cresson, les Réactions intellectuelles élémentaires.
  2. Cresson, p. 5.
  3. Chimie, vol. I, p. 11.