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Page:Meulan - Essais de litterature et de morale.djvu/15

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LETTRE

D’UN vieux rentier à la vieille douairière
du Marais

Vous dites, madame, que vous avez perdu vos charmes, & moi j’ai perdu mes rentes ; s’il vous est resté autant de coquetterie que j’ai conservé de goût pour les plaisirs, il est naturel que nous ayons tous deux un peu d’humeur. Je trouve seulement que la vôtre se trompe sur son objet.

Vous vous plaignez de la manie que chacun a de courir après l’esprit ; moi je trouve qu’elle est assez commode pour nous. Tout le monde, en voulant briller, invente continuellement, fait des frais pour nous plaire, & en donnant à tort & à travers quelque louange (monnoie très-commune & qui a cours par-tout), les auteurs me fournissent des billets pour les voir jouer gratis ; les versificateurs m’engagent à aller entendre leurs lectures aux lycées, quelques journalistes me procurent leurs journaux qui me tiennent lieu de bibliotheque, & où je trouve abondamment à-la-fois, les extraits de tous les livres, les recettes de tous les charlatans ; les chansons de tous