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Page:Meulan - Essais de litterature et de morale.djvu/16

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les troubadours, les logogryphes de tous les oisifs, & les secrets vrais ou faux de toutes les cours.

Je voudrois seulement qu’avec tant de soif de succès on fut un peu plus conséquent, & que le désir continu d’être loué ne fût pas constamment accompagne de l’envie de tout fronder ; car il faut faire la révérence à l’amour-propre des autres y pour qu’il vous la rende, (comme le disoit madame Geoffrin, notre contemporaine). Et d’ailleurs, cette manie de critiquer, qui me gêne bien plus que celle de vouloir briller, gâte mon plaisir & m’humilie trop souvent. Lorsque je viens bonnement de pleurer à une tragédie & de rire à une comédie, vingt personnes viennent me prouver officieusement que j’ai tort, & que l’ouvrage n’a pas le sens commun. En vérité, si on pouvoit desirer une nouvelle loi ajoutée aux 29 ou 30 mille que nous possédons, je voudrois qu’on en fit une contre ces perturbateurs des plaisirs publics qui arrêtent le rire, dessechent les larmes, transforment les lecteurs & les spectateurs presqu’en juges révolutionnaires, & font regarder tout homme qui admire, s’amuse ou s’attendrit, comme suspect de bêtise.

En attendant que cette sage loi se rende, je veux m’insurger contre ces fraudeurs, m’affran-