Page:Meunier - La Science et les savants en 1867.djvu/267

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ses sœurs, seraient en état de se passer d’elle. Elle ouvrit une pension, la dirigea pendant sept années et ne se retira qu’après avoir assuré l’avenir de chacun des siens.

On se rappelle combien l’entrée de mademoiselle Blackwell dans la famille d’Esculape excita dans notre heureux pays la verve caustique des écrivains de la presse médicale. Une femme docteur ! quelle intrusion ! et je ne suis pas certain que vous même, Madame (si une dame me fait l’honneur de me lire), vous trouviez parfaitement raisonnable que les femmes, après avoir, dans ces dernières années, usé de tant de chapeaux de formes différentes, essaient à la fin du bonnet de docteur. Je reconnais d’ailleurs qu’il y a ici matière à discussion, mais on m’accordera que la critique ne serait ni sérieuse ni équitable si, de l’exemple excentrique que mademoiselle Blackwell a donné aux personnes de son sexe, on séparait l’exemple héroïque que cette jeune mère de neuf enfants adoptifs a donné à tout le monde.

C’est en 1843 qu’ayant rempli jusqu’au bout les devoirs qu’elle s’était imposés, cette femme remarquable se jugea libre de disposer d’elle-même comme elle l’entendait.

Mademoiselle Blackwell se mit aussitôt à l’étude du grec et du latin ; elle y consacra deux années. Lorsque, ses études littéraires étant achevées, elle se présenta aux cours publics, l’accès lui en fut interdit. Cet obstacle, étant prévu, ne pouvait la décourager ; elle eut recours à des maîtres particuliers. C’est le docteur Allen qui lui enseigna l’anatomie. Sa persévérance et le res-