la saisine de tous le paiis (vo) et pour prendre Girard de Roncillon se il y venoit par aucune adventure. Si fut pour ces nouvelles le noble prince Gerard plus doulant que l’en ne vous sçauroit racompter. Et trouva lors une bourde si tost faitte et pourpensée que l’on ne pourroit mieulx, disant a iceux marchans que Gerard de Roncillon, quy si longuement avoit mené guerre a rencontre du roy Charles Martel, estoit mort. Et lors luy demanderent les marchans ou ce estoit advenu que le prince Gerart estoit mort et que a paines le pourroient ilz croire, pour tant que Dieu n’avoit point accoustumé de si tost prendre une mauvaise personne. Et affin que iceulx marchans publiassent en France ces nouvelles, il leur respondi lors : « Sachiés, beaus seigneurs, que en ung bois ou nous cheminasmes l’autre jour je ves le noble duc Gerard vif et mort. Et n’en doubtez point, car plus ne meffera au roy ne a quelque autre personne en nulle maniere que ce soit, mais pour guerre qu’il ait menée en soy deffendant, l’un ne le doit point tant maudire, ainchois sommes tous tenuz de prier pour les trespassez[1]. » Si adjousterent foy iceulx marchans a ses paroles, et tellement chevauchierent par leurs journées que ilz arriverent en Paris ou Charles Martel estoit, auquel ilz racompterent ces nouvelles (§ 522), et les lui certiffierent estre vrayes, et dirent comment ilz l’avoient ouy dire a pellerins, lesquelz avoient veu en ung bois Gerard de Roncillon mort et vif. Mais quant le roy fut adverty de ce que dit est, vous devez sçavoir qu’il fut moult joieux, comme celluy quy le haioit trop mortellement, et au contraire la royne en fut tant (fol. iiijc lxvij) si parfondement a plourer que rappaisier ne se povoit la noble dame....... [§ 525] Au fort ilz partirent d’illec, et tant cheminerent qu’ilz s’embatirent en ung village dont le seigneur et deux filz qu’il avoit estoient derrenierement demeurez mors devant Roncillon et plusieurs de leurs hommes, dont les dames, les damoiselles et en grant nombre d’autres femmes plouroient et crioient comme celles qui n’avoient pas longtemps esté adverties de la douloureuse
- ↑ Dans la chanson, où la scène est bien autrement dramatique, c’est Berte qui affirme aux marchands que Girart est mort.