palais sont vôtres. Prenez, quoique vous en ayez, votre épouse. Elle a tant de sens et de beauté qu’il n’est si riche homme qui n’en fût honoré, et ainsi serez-vous, comte, si vous l’aimez. — Ainsi ferai-je, sire. » Là la conduisent par la main Gui et Daumas. Grand était le baronnage tout à l’entour. Elle se jette aux pieds de Girart, sur un degré, et baisa le soulier dont il était chaussé. Là le comte la releva et la prit entre ses bras, et alors s’éteignit l’ire qu’il avait au cœur. Là, le comte palatin la prit à femme ; et par la suite il en eut bon service et douce consolation, et devint si humble de cœur qu’il demeura fermé à orgueil et malice.
34. Lorsque Girart et sa compagne eurent reçu la bénédiction, Charles dit tout haut : « À ce que je vois, chacun a choisi à son gré pour le mieux. » Ne croyez pas que Girart parle follement. « Seigneurs, » dit le comte, « entendez ma parole : puisque Charles est si léger qu’on ne peut se fier à lui, s’il fait tort ou injustice à ma dame[1], je ne manquerai pas de l’aider à défendre son droit. » La cour entière déclare qu’il le doit faire. « J’y consens sur ma foi, » dit Charles ; puis il ajoute à voix basse et à part : « Ce comte Girart m’a tenu trop serré avec cet accord, mais je le lui ferai payer cher, tôt ou tard. »
35. La cour s’agrandit et s’accroît, car elle avait été proclamée. Girart épousa sa femme. Plus il la connut et plus il l’aima ; il n’avait jamais vu sa pareille pour la sagesse et le sens. Elle était instruite de tous les bons arts. Le roi vint à Rome qui lui est donnée et lui fut garantie à son gré. Il fut couronné et elle couronnée, ointe, bénie et signée. Ensuite, la cour retourna en France. Girart envoya d’avance en sa contrée, et fit amener sur la route un énorme convoi de vivres. Il y avait tout le gibier qu’on avait pu chasser, du poisson d’eau douce et d’eau de mer. Il en fit servir le roi et sa
- ↑ « Ma dame », c’est celle que Girart devait épouser.