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girart de roussillon

Mes comtes, mes fidèles et mes comtors[1], évêques, abbés, docteurs, qui avez à me défendre, moi et mon royaume, par la foi, par l’amour que vous me devez, donnez aujourd’hui à votre seigneur un conseil qui le sauve du déshonneur. Je ne faillirai pas au duc, à aucun jour ; je ne voudrais pas le faire à l’égard du moindre de ceux qui ont combattu avec moi. » Et le duc répondit avec une grande douceur : « Ne plaise à Dieu, au Rédempteur que pour moi nos hommes soient en lutte avec les leurs. Avant que le duc [Girart] fît la guerre à l’empereur, ses ancêtres me voulaient grand mal, et maintenant ses fils, je le vois, m’en veulent plus encore. »

186. Galeran de Senlis tout le premier parla au roi avec sagesse : « Charles, je sais que Dieu veut l’accord ; tu as vu que pendant la bataille il l’a fait paraître, lorsqu’il a dirigé sur nous le feu ardent. Tant de barons sont restés [dans la bataille] morts et sanglants que la France ne s’en relèvera pas de ton vivant. Mais fais au duc des conditions convenables, car celui qui à tort guerroie longuement, y trouve rarement son bénéfice et souvent sa perte. Ce qu’il obtient, il l’achète cher et le vend de même. Pour une fois qu’il monte, il descend deux. Rendez donc au comte son chasement. — Faites, » dit Charles, « à votre volonté, mais ce me sera une grande douleur si Girart ne lui pardonne son ressentiment[2]. »

187. Le roi voulut chercher un autre arrangement ; il s’efforça d’accorder le duc et le comte, mais Girart n’y voulut aucunement consentir, non plus que Boson d’Escarpion, ni Seguin. Le duc prit congé et se mit en route. Là vous auriez vu tant de barons pleurer pour lui ! Il me faut maintenant parler bref. Évêques et pairs, à force de parlementer,

  1. Voy. p. 11, n. 1.
  2. Son ressentiment à lui Girart ; j’emploie « pardonner » dans le sens ancien, « faire grâce de ».