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Page:Meyer - Girart de Roussillon, 1884.djvu/358

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girart de roussillon

réussirent à faire désarmer les compagnies et à décider Girart à se mettre aux pieds du roi. Ils l’amenèrent à jurer son hommage, à renoncer à toute rancune, à donner le baiser de paix [à Charles]. Ils firent pardonner la rancune des morts[1], mettre en liberté les vivants qui étaient prisonniers. On réunit les évêques et les abbés et on leur confie la garde du champ de bataille, le soin d’enfouir les morts, de guérir les blessés. Il reste là tant de francs barons étendus morts, que la douleur s’étend au loin. Leurs amis auront assez à pleurer et dames et damoiselles à se lamenter.

188. Jamais je n’ouïs parler de plus forte bataille, car il n’y en eut telle depuis que Dieu s’incarna. Fouque et Girart y perdent chacun son père. Maintenant nous n’avons pas à parler des morts : à Dieu les âmes, au suaire les corps ! Quant la guerre finit, Girart fit faire de moutiers je ne sais combien, qu’il remplit de moines et de reliques. Girart retourne chez lui, à Roussillon ; Fouque et ses frères s’en vont en Provence ; Charles le roi revient en France.

189. De Drogon il ne resta d’autres fils que Girart, d’Odilon, plusieurs et de vaillants : ce furent Boson et Seguin ; Fouque et Bernart, et don Gilbert, le comte de Senesgart. Et si Thierri s’en va [en exil] à cause d’eux, et pour [assurer] la paix, voulant la fin de la guerre, il ne doit pas être appelé félon ni couard. On pria tant les comtes[2], des deux côtés, que Girart lui assigna un terme de cinq ans. Par suite [de cette convention] le comte fut plus tard appelé traître : et pourtant il agit sans détour ni ruse, mais Boson d’Escarpion se

  1. Feide, voy. faida dans Du Cange ; c’est le sentiment d’inimitié que fait naître dans une famille le meurtre d’un de ses membres. Si la faida n’est pas pardonnée, c’est-à-dire si ceux chez qui elle est née n’y renoncent pas, soit spontanément, soit à la suite d’un accord, d’un plaid (placitum), des représailles pourront être exercées et la guerre se perpétuera. C’est la vendetta corse.
  2. Girart et ses cousins.