Aller au contenu

Page:Meyer - Girart de Roussillon, 1884.djvu/498

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
244
girart de roussillon

fit pour ce comte qui fut si farouche. S’il n’eût été proscrit et si abandonné, jamais il n’aurait renoncé au mal et ne se fût converti.

531. Si on vous contait tous les embarras, la faim, la soif, les peines, ainsi que dit l’écrit qui est au moutier ! Vingt-deux ans fut ainsi le fort guerrier, n’ayant pas de sa terre quatre deniers, car il était en Allemagne, d’où fut Lohier[1]. Un jour, étant entré en un bois grand et profond, il entendit un bruit de charpentiers, et suivit tant la voix, par les fourrés, qu’il trouva à un feu deux charbonniers. L’un était grand et laid, coloré et noir, et avait nom Garin Brun ; l’autre Rainier : c’était un petit, un railleur. Il s’adressa à Girart, et lui dit tout d’abord : « Ami, dites, d’où êtes-vous ? faites-vous pénitence ? Portez ce charbon ; devenez portefaix, et vous aurez votre juste part du gain. » Et Girart répondit : « Sire, volontiers[2]. »

532. Girart et ces deux-là firent trois compagnons. Chacun a pris son faix, et le comte le sien. Ils sortirent du bois par la plaine campagne et s’en vinrent à Aurillac sous Troi-

    lon. Voy. les Bollandistes, 4 janvier ; Gall. christ., IX, 24-7 ; Histoire littéraire, V, 675.

  1. Probablement l’empereur Lothaire, le fils aîné de Louis le Pieux.
  2. Simon de Crepi en Valois, s’étant retiré du monde et voulant accomplir une rude pénitence, se fit charbonnier, comme Girart de Roussillon :

    Dedenz une forest en essil s’en foï,
    La devint charboniers, itel ordre choisi.

    (Bibl. nat. fr. 25405, fol. 109.)

    Selon Etienne de Bourbon, c’est à Rome, ou plutôt aux environs, que Simon se serait fait charbonnier : « Romam venit ubi factus est carbonarius et secretum suum cuidam cardinali, cui confessus est, et statum suum revelavit. Cum autem post plures annos semel Urbem, intrasset ad vendendum carbonnes et in domum dicti cardinalis confessoris sui carbones deportasset, arreptus ibi infirmitate post suscepta sacramenta omnia, pauper, jacens sub gradu, ad Dominum migravit » (Et. de Bourbon, éd. Lecoy, p. 67).