Page:Meyerson - Identité et réalité, 1908.djvu/20

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détournée que puisse paraître cette voie, c’est à l’aide de l’histoire des sciences que nous chercherons la solution de problèmes concernant le sens commun. C’est un procédé qui a quelque analogie avec celui préconisé par Auguste Comte, et bien que nous ne songions pas à nier comme ce dernier la possibilité de toute psychologie introspective et que, comme on le verra dans la suite, les résultats auxquels nous parvenons soient très différents de ceux exposés par le fondateur du positivisme, nous croyons que son mérite a été grand de proclamer la fertilité de la méthode a posteriori pour la découverte des lois qui régissent l’esprit humain.

Bien entendu, nous ne prétendons pas que le procédé soit infaillible. Le principe sur lequel il repose, l’identité de la marche de la pensée consciente et de la pensée inconsciente n’est aucunement évident en soi et nous n’avons pas la prétention de le démontrer a priori. Ce n’est qu’un principe heuristique, une hypothèse de travail que, nous l’espérons, les résultats de ce livre tendront à confirmer dans une grande mesure. Nous réclamons moins encore le mérite d’avoir inventé le procédé. Il serait facile de montrer qu’il a été, plus ou moins consciemment, souvent appliqué par les chercheurs, du moins d’une manière sporadique. En un certain sens, en effet, on peut le prétendre unique et inévitable. Quoi que nous fassions, c’est toujours avec notre raison que nous raisonnons. Nous ne connaissons pas et ne pouvons connaître d’autre voie pour établir un lien entre des concepts, en dehors de celle suivie par notre raison, terme qui ici ne peut signifier que raison consciente. Même quand nous croyons nous en écarter le plus, c’est toujours à l’aide de bribes de raisonnements conscients que nous tâchons d’en créer un autre qui soit différent.

L’histoire des sciences à laquelle nous faisons appel est surtout celle des idées directrices de la science.