Page:Meyerson - Réel et déterminisme dans la physique quantique.pdf/34

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

rationaliser complètement. Mais ne réussira-t-on pas à rationaliser partiellement, par un bout, si l’on ose dire ?

Peut-être sera-t-il bon de réfléchir, à ce propos, sur un autre exemple encore du passé, exemple d’autant plus frappant que, dans ce cas, pour nos contemporains, la conscience qu’il y avait eu là une difficulté à vaincre semble s’être à peu près complètement oblitérée. Nous entendons parler du phénomène chimique. Il ne saurait faire aucun doute, semble-t-il, que pour un chimiste de nos jours la théorie lavoisienne fournit une véritable explication de ce qui se passe là. L’eau est composée d’oxygène et d’hydrogène, elle contient véritablement ces deux éléments, et de même le sel marin contient du chlore et du sodium. Que si vous essayiez de combattre ces affirmations, et surtout de faire valoir que, dans un passé en somme très récent, le rôle de l’élément chimique fut compris de manière tout autre, le chimiste vous répondra probablement qu’oxygène, hydrogène, chlore et sodium sont des êtres réels, alors que le phlogistique n’était qu’un être chimérique, et sans doute quantité d’esprits parfaitement judicieux, en dehors même du monde des laboratoires, seront-ils enclins à vous faire des réponses analogues. Or, il suffit de considérer les choses sans parti-pris pour reconnaître ce qu’il en est véritablement. Les éléments atomiques, ceux qui entrent véritablement dans la composition des corps, sont certainement, tout comme le phlogistique, des êtres de raison. D’ailleurs la chimie est née science qualitative et, en dépit des apparences, l’est toujours restée. Car c’est là sa raison d’être, la cause véritable de ce fait qu’elle ne forme point un simple chapitre de la physique, qu’elle a ses méthodes de recherche et de raisonnement, ses théories propres. En effet, elle est née de cette constatation, qui s’impose à l’observation même la plus rapide, qu’il existe des propriétés, des qualités des corps plus persistantes que d’autres, et que néanmoins, dans certaines circonstances déterminées, ces propriétés se modifient grandement. C’est à expliquer cette persistance et ces modifications que tendent les efforts de la chimie théorique et, cela est à noter, des théories les plus récentes comme de celles qui les avaient précédées. Parlant des « états stationnaires » de l’atome qui, selon la conception quantique, « correspondent en général à une série de valeurs de l’énergie », M. Bohr souligne que leur stabilité fournit un point de départ approprié à l’explication des propriétés physiques et chimiques