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Page:Meyerson - Réel et déterminisme dans la physique quantique.pdf/41

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rellement de rien ». Ainsi il met en jeu non pas la légalité (selon notre nomenclature), mais bien la causalité, c’est-à-dire l’identité de la cause et de l’effet. Au début du XIXe siècle, nous trouvons les fameuses déclarations de Laplace sur l’ « intelligence qui embrasserait les mouvements des plus grands corps de l’univers et ceux du plus léger atome : rien ne serait incertain pour elle, et l’avenir, comme le passé serait présent à ses yeux ». Expriment-elles réellement le credo immuable du physicien de cette époque ? Ce qui en fait douter, c’est l’exemple de Renouvier, que nous avons cité, et qui était certainement nourri de la pensée de ces savants. Et celui d’Auguste Comte (sur lequel nous reviendrons plus longuement un peu plus loin) est tout aussi significatif à cet égard. Car il eût certainement hésité à nier le déterminisme fondamental du réel si la science de son temps avait été pénétrée de la croyance contraire ; ou, du moins, s’il l’avait fait, eût-il motivé son opinion en s’appliquant à réfuter expressément l’affirmation contraire. Or, on ne trouve rien de pareil dans ses exposés.

Il nous semble même, à vrai dire, qu’il est permis de s’étonner de la vivacité des protestations qu’a soulevées cette affirmation de l’indétermination quantique. On comprend, sans doute, que des physiciens ne se résignent que difficilement à abandonner un principe très évidemment essentiel et qui paraissait devoir à tout jamais guider leur travail (nous verrons d’ailleurs tout à l’heure qu’en un certain sens il continuera à leur servir de guide à l’avenir). À ce point de vue les déclarations de M. Planck (cf. C.P., § 83) — que le fait même qu’elles émanent de l’initiateur de toute cette physique des quanta revêt d’une haute autorité — paraissent entièrement justifiées ; il faudra certainement attendre des confirmations ultérieures avant d’admettre définitivement l’indéterminé. Mais en supposant que l’on soit obligé d’avoir recours à cette extrémité, ni le travail du chercheur, ni son attitude essentielle à l’égard des phénomènes qu’il constatera, nous venons de le reconnaître, ne se trouveraient modifiées.

Pourquoi, dès lors, l’indéterminé paraît-il, à beaucoup de bons esprits, une éventualité à tel point redoutable, qu’ils sont prêts, pour l’écarter, à se lancer dans des suppositions aussi aventureuses que celle d’un réel non-individuel ? Nous l’avons indiqué au début du présent article : il s’agit d’une conséquence de l’épistémologie positiviste, laquelle pousse à exagérer la portée de ce