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qu’un Espagnol osa lui adresser une lettre avec cette suscription : A Monseigneur le duc d’Albe, général des armées du roi en temps de paix, et grand-maître de la maison de sa majesté en temps de guerre. Ce trait de mépris piqua son amour-propre, donna l’essor à son génie, et lui fit entreprendre des choses dignes de la postérité. Parvenu au commandement des armées de Charles-Quint, il se signala contre les protestants d’Allemagne ; et, en 1547, il gagna, par ses savantes manœuvres, sur l’électeur de Saxe, la bataille de Mulberg, qui rendit à l’empereur sa supériorité. L’électeur ayant été fait prisonnier dans cette journée, le duc d’Albe présida le conseil de guerre qui condamna ce prince à perdre la tête, et pressa vivement l’empereur de ne pas commuer la peine. Après la réduction des confédérés, il commanda, sous Cbarles-Quint, au siége de Metz, où le duc de Guise triompha de sa valeur et de ses talents. Chargé, en 1555, d’aller combattre en Italie les Français, et le pape Paul IV, ennemi implacable de l’empereur, sa fierté lui fit dédaigner la qualité de vice-roi, et il exigea celle de vicaire-général de tous les domaines de la maison d’Autriche en Italie, avec des pouvoirs illimités. Il se montra, dans cette mission importante, à la fois homme d’état et grand capitaine, fit lever le siége d’Ulpian au duc de Brissac, mit le duché de Milan en sûreté, se rendit à Naples, agitée par les intrigues du pape, et y affermit par sa présence l’autorité de l’Espagne. Le duc conserva tout son crédit, et le commandement de l’armée a l’avènement de Philippe II, successeur de Charles-Quint. il entra sur le territoire de l’église, se rendit maître de la campagne de Rome, fit échouer les Français dans toutes leurs entreprises ; et, forcé par Philippe II d’accorder une paix honorable au pape qu’il avait résolu d’humilier, il frémit d’indignation, et ne put s’empêcher de dire que la timidité et les scrupules étaient incompatibles avec la politique et la guerre. Rappelé d’Italie, en 1559, il parut à la cour de France, où il épousa, au nom du roi son maître, Elisabeth, fille d’Henri II, destinée d’abord à dom Carlos, et déploya à Paris la magnificence d’un souverain. Henri II lui ayant demandé s’il était vrai que, pendant la fameuse bataille de Mulberg, gagnée sur les protestants, on avait vu un phénomène dans le ciel, le duc répondit en riant, au monarque français : « J’étais si occupé de ce qui se passait sur la terre, que je n’ai pas remarqué ce qui paraissait au ciel. » Vers cette époque, les habitants des Pays-Bas, aigris de ce que la cour de Madrid attentait à leur liberté et gênait leurs opinions religieuses, se montraient disposés à prendre les armes ; le duc d’Albe excita Philippe II à les réprimer avec rigueur ; et Philippe, qui n’y était que trop disposé, trouva dans le duc un ministre propre à l’exécution de ses projets,. Il lui confia une puissante armée, et le revêtit d’un pouvoir sans bornes, pour aller abolir dans les Pays-Bas les privilèges des provinces, pour les soumettre au despotisme, à l’inquisition, et livrer aux exécutions militaires tous ceux qui oseraient résister à la volonté du monarque. Cette nouvelle répandit la terreur dans toute la Flandre ; on y regardait depuis long-temps le duc d’Albe comme un homme dur et implacable. Arrivé en Flandre, en 1566, il déploya un pouvoir souverain, et établit un tribunal pour prononcer sur les excès commis pendant les troubles. Ce tribunal, nommé conseil des troubles par les Espagnols, et con-